PROUNS(SLASH), 2015
PROUNS(SLASH) s’inspire des terrains de reboisement Canadiens, et du jeu vidéo japonais Katamari Damacy.
La légende fictive de ce jeu raconte l’histoire d’un jeune prince qui tente de reconstruire les étoiles et les planètes de l’Univers, accidentellement anéanties par son père le Roi de tout le Cosmos. Pour ce faire, le prince roule des boules nommées Katamari qui ramassent tous objets sur leurs passages. Plus les boules accumulent d’objets, plus elles grossissent et plus elles peuvent saisir d’objets (depuis des punaises, à des livres, des arbres, des voitures, des montagnes et ainsi de suite). Quand une boule a suffisamment grossit, elle est lancée dans l’espace par le prince, se transforme en une nouvelle étoile, et le processus débute à nouveau.
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PROUNS(SLASH)
L’idée poétique de recréer l’Univers à l’aide d’une accumulation de matières terrestres est remplie d’espoir et m’interpelle particulièrement en tant que céramiste. L’œuvre céramique étant résistante, une forme d’expression avec le potentiel d’être transmise aux générations futures. Dans notre société de consommation et notre culture du jetable, il demeure essentiel pour l’artiste individuel de croire en la pertinence d’apporter de nouveaux objets dans le monde: des objets pour l’avancement d’un regard nouveau sur la vie; d’un éveil d’esprit; et d’un monde nouveau.
Dans ce travail, une grande sphère de céramique (inspirées de « slash » : massives souches d’arbres nouées et calcinées) se voit chargée non pas d’une accumulation d’objets, mais plutôt de tableaux colorés qui s’y incrustent, donnant l’apparence que celles-ci tranchent et pénètrent la surface de la masse céramique. Les représentations bidimensionnelles de ces tableaux ont comme sujet l’industrie de reboisement forestier Canadien. Avec l’insertion des tableaux, la forme céramique subit une fragmentation et une reconstruction, au sens propre et au sens figuré.
Les tableaux imbriqués servent également de système de support. Où un piédestal plus conventionnel pourrait assumer un rôle moins intrusif dans la présentation d’une sculpture (créant une séparation entre l’objet et le monde habité par le visionneur), ces tableaux-supports s’extensionnent directement de l’intérieure de la forme céramique qu’ils soutiennent. Élever une masse céramique de 300 lbs. à la hauteur du torse du spectateur permet une méditation particulière sur la matérialité et la substantialité du médium.
À distance la sculpture dégage une géométrie simple et colorée, avec des formes linéaires imbriquées dans une masse ronde, inspirées des œuvres bidimensionnelles de l’avant-gardiste russe Lazar Lissitzky et son contemporain László Moholly-Nagy. Lissitzky décrivait ses tableaux comme étant des « stations de correspondance entre la peinture et l’architecture » et leurs attribua le nom de PROUNS (acronyme russe pour « projets pour l’affirmation du nouveau »).
Avec ses PROUNS Lissitzky visait une signification universelle, où plutôt que simple reproducteur, l’artiste devenaient « constructeur d’un nouvel univers d’objets. » Selon Lissitzky, c’était sur ces fondations de contexte artistique qu’un avenir nouveau de notre Univers serait construit.
Ce propos, toujours d’actualité près de 100 ans plus tard, représente une référence historique pertinente à examiner dans mes propres recherches pratiques et théoriques sur les relations exploratoires entre l’objet céramique et l’image.